Fausses trappistes
Ch I
Ch II
Ch III
Les bières trappistes ont de longue date attiré les convoitises des brasseurs laïcs, inspirés par leur réputation de force et de qualité.
Durant la première moitié du XXème siècle, ont fleuri des bières dites "trappistes", qui n'avaient pourtant aucun lien avec les moines cisterciens.
Les moines trappistes, prirent plusieurs mesures visant à protéger l'appellation de leurs produits et s'organisèrent en conséquence.
C'est ainsi qu'en 1932, l'ASBL Abbaye de Westmalle dépose le mot "Trappistenbier".
En 1934, un différend surgit entre la communauté religieuse de Westmalle et la brasserie Verlinden de Brasschaat, qui vendait de la bière dite "trappistenbier".
Les pères trappistes intenteront une action contre ce brasseur, pour concurrence déloyale et réclamèrent 250.000 BEF de dommages et intérêts. Le tribunal de commerce d'Anvers, qui eut à connaître l'affaire, les débouta et estima que le nom de "trappiste" n'est pas une marque spéciale, mais s'applique à plusieurs bières, fabriquées dans différents couvents de trappistes, et que les moines trappistes ne sont pas des commerçants et ne peuvent, de ce fait, arguer de concurrence déloyale à l'égard d'un véritable commerçant.
En 1962, l'abbaye et la brasserie d'Orval entamèrent une action contre la brasserie de Veltem à Louvain. Cette fois, le tribunal de Gand leur donna raison.
La brasserie Anglo Belge (propriétaire de la brasserie de Veltem) fut condamnée à payer 1 franc belge de dommages et intérêts, ainsi qu'à la publication du jugement.
La brasserie Anglo Belge se retrouva avec 9500 bacs de bois gravés sur les bras... Depuis ce jugement, le nom "bière trappiste" est protégé.
Le cas Verlinden (1 sur 2)
Le premier brasseur de la brasseries « De Drie Linden » (les trois tilleuls) à Braschaat se nommait Julius Simon, celui-ci fonda la brasserie en 1884. Dix ans plus tard, il avait amassé suffisamment d'argent pour se retirer, et la brasserie fut achetée par Edmond Royers, lui même fils d'un brasseur bien connu de la ville d'Anvers.
Edmond Royers fut tué dans sa maison par un soldat allemand en 1916, et c'est à l'automne 1919 que sa veuve vendit la brasserie à un scientifique alors bien connu, qui s'appelait Hendrik Verlinden.
Hendrik Verlinden est né en 1866 dans une humble famille de Wijnegem. A l'âge de 16 ans, il quitte l'école et s'engage comme ouvrier dans l'usine de Louis Meeùs, qui était alors une des plus grandes distilleries au monde.
C'est là qu'il y apprend l'art de la distillerie, en observant ses maîtres et par l'étude d'ouvrages néerlandais et allemands sur le sujet.
En quelques années, celui ci devient l'un des principaux chimistes de la distillerie. Ainsi, Hendrik Verlinden développe des procédures améliorées permettant de produire levure et alcool.
En 1909, Hendrik Verlinden quitte la distillerie, suite au refus de promotion et d'augmentation de salaire qu'on lui oppose. Il pense que cela est du à ses humbles origines flamandes, alors que ses patrons appartiennent à la bourgeoisie francophone.
Le cas Verlinden (2 sur 2)
Il se lance dans une carrière de consultant indépendant en distillerie, brasserie et usines de levures, à travers toute l'europe.
Ses méthodes de production d'alcool pur sont achetées par de nombreuses distilleries en Allemagne et au Danemark.
En 1916, Verlinden publie « Het praktisch handboek der gistingindustries » (traité pratique de l'industrie de la levure), qui est le premier manuel scientifique en flamand, à usage des industries de la distillerie et de la levure.
Dans les années qui suivirent, Hendrik Verlinden aida plus de 70 usines (brasseries, distilleries, levuriers) à travers toute l'Europe. On lui offrit une place de Directeur d'une très importante distillerie aux Etats Unis, mais il préféra rester en Flandres.
En 1926 et 1929, il vint en aide aux trappistes de Westmalle qui éprouvaient des difficultés avec leurs bières dites « Dubbel Bruin » et « Extra Gersten ».
C'est en 1929 également que, probablement inspiré par la bière des pères trappistes de Westmalle, Verlinden lance la production de sa bière de type trappiste ; il dépose la marque « Witkap Pater » en 1932. En effet, le terme Witkap désigne le capuchon blanc de certaines bures trappistes. Cette initiative dut déplaire aux moines qui intentèrent une action en justice contre Verlinden ; celle-ci ne fut pas couronnée de succès et Verlinden put continuer d'utiliser le terme "Trappistenbier". La marque déposée « Witkap Pater = Trappistenbier » fut utilisée par la famille Verlinden jusqu'au début des années 1980. (Un article témoignant de ce jugement défavorable aux trappistes est visible en cliquant ici.)
Hendrik Verlinden décède dès les premiers jours de l'invasion Allemande de la Belgique en 1940. Le Samedi 11 Mai, l'aviation allemande bombarde Brasschaat. La brasserie est touchée par deux bombes qui tuent Hendrik Verlinden et son plus jeune fils Jozef.
Ses enfants reprennent la brasserie à compter de 1940, sous la dénomination « les enfants d'Hendrik Verlinden ». La production cesse à la fin des années 1970, elle est reprise un moment par la brasserie Luyten, puis, au début des années 1980, le nom Witkap Pater est officiellement repris par la brasserie Slaghmuylder de Ninove, qui la brasse toujours aujourd'hui.